JOSEPHA MENDELS
Le cimetière rouge»: une nouvelle de Josepha Mendels
Par Josepha Mendels, Daniel Cunin, traduit par Daniel Cunin
21/05/2021
Daniel Cunin a choisi et traduit la nouvelle «Le cimetière rouge» de Josepha Mendels tirée du recueil de nouvelles Alle verhalen (Amsterdam, Meulenhoff, 1988). Il retrace le parcours singulier de cette «dame pas comme il faut» (suivant l'expression de sa biographe Sylvia Heimans) qui faisait preuve d'une grande indépendance, tant d'esprit que de comportement.
Une dame pas comme il faut
Après avoir dirigé un centre haguenois où des ouvrières juives défavorisées suivaient des cours du soir, Josepha Mendels (1902-1995) éprouva le besoin d’enfin voler de ses propres ailes, de rompre avec le milieu, les traditions et les idéaux juifs orthodoxes dans lesquels elle avait grandi. En 1936, elle décida de tenter l’aventure à Paris, une carte de presse en poche. Parmi les premières contributions de cette femme soucieuse d’édifier et de préserver son indépendance – mais qui ne se réclamera jamais du féminisme –, on relève une interview de Danielle Darrieux (1937).
Couverture de la biographie de Sylvia Heimans: Josepha Mendels. Het eigenzinnige leven van een niet-nette dame, Amsterdam, Cossee, 2016.
Son amitié avec la peintre Berthe Edersheim (1901-1993) lui permet de côtoyer quelques-uns des plus grands noms de l’art du XXe siècle. En France, elle a une liaison avec le critique de cinéma réputé Valerio Jahier jusqu’au suicide de ce dernier en 1939. En mai et juin 1940, elle travaille pour Radio Vrij Nederland qui diffuse depuis Paris. Mais en rendant impossibles ses activités journalistiques, la guerre est le déclic qui l’amène à se consacrer à la littérature, essentiellement dans une veine autobiographique.
Durant l’été 1942, munie de faux papiers, elle se réfugie à Cliousclat (Drôme) puis dans la région de Perpignan. Tant bien que mal, le 19 décembre, elle franchit les Pyrénées. Mais ce n’est que le 11 juin 1943, après maintes péripéties, qu’elle pose enfin le pied en Angleterre. Elle est enrôlée comme journaliste par le gouvernement néerlandais en exil. Peu après, elle fait la connaissance de Sadi de Gorter avec lequel elle vit une véritable passion qui nourrit maintes pages du roman Je wist het toch… Avec le futur premier directeur de l’Institut Néerlandais de Paris, déjà engagé dans une vie maritale, elle choisira d’avoir un enfant, Éric (né en 1948).
Après son retour à Paris en avril 1945, Josepha apprend qu’elle a perdu tous ses proches dans les camps de la mort. Elle reprend l’écriture romanesque, mais la pauvreté l’oblige à produire des écrits journalistiques. À cette époque, elle côtoie les membres de CoBrA qui vivent dans la capitale française. Elle passe pour ainsi dire les quarante dernières années de sa vie dans un appartement de la rue de Trétaigne (dans le dix-huitième arrondissement de Paris), à partir de 1958 en compagnie de son amie Berthe entre-temps séparée de son mari.
À plus de 70 ans, Josépha décide de devenir comédienne, suivant les cours de Jean Darnel. Elle fait ses débuts sur les planches au Théâtre des Mathurins dans Grenouille, pièce de Pierre Sala (L’Aurore lui consacre un article), et joue de petits rôles dans quelques téléfilms. Aux Pays-Bas, dans les années quatre-vingt, on redécouvre et réédite ses œuvres; elle reçoit une reconnaissance qu’elle n’attendait plus. Elle passe les derniers temps de sa vie à Eindhoven, auprès de son fils et de la famille de ce dernier.
Relevons que deux de ses romans ont paru – dans une traduction allemande de Marlene Müller-Haas – ces dernières années aux éditions Verlag Klaus Wagenbach (Du wusstest es doch, 2018 et Rolien & Ralien, 2020).
«Le cimetière rouge» figure dans Alle verhalen (Amsterdam, Meulenhoff, 1988, p. 201-203), le volume qui réunit les nouvelles de Josepha Mendels, ce qu’elle appelait «mes mémoires». Ces lignes illustrent sans doute l’une de ses convictions: bien des êtres humains portent en eux une deuxième personne.
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